Portrait d'entraîneur : Frédéric Perrier

23/11/2022
Portrait d'entraîneurs

📸 Akseophoto

Frédéric Perrier est aujourd'hui l'entraîneur en aviron du double poids-léger féminin avec à son bord Claire Bové et Laura Tarantola qui a remporté une médaille d'argent lors des jeux Olympiques de Tokyo en 2021. Au travers de ce portrait, vous allez découvrir un entraîneur passionné, un homme qui a réussi à créer des liens avec ses athlètes pour aller décrocher une médaille olympique à Tokyo.

"On entend de plus en plus d’athlètes prendre la parole sur le sujet de la dépression, des difficultés à revenir au top. Ce n’est pas un mythe, c’est réaliste !"

Bonjour Frédéric, peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je m’appelle Frédéric PERRIER, j’ai 45 ans. Je suis marié et j’ai deux enfants. Je suis bourguignon de souche. Je suis professeur de sport, placé auprès de la fédération française d’aviron depuis 2004 et plus particulièrement en charge des équipes de France depuis 2008.

Avant d’être entraîneur, tu as été rameur en équipe de France. Comment as-tu débuté l’aviron et quels sont tes meilleurs résultats ?

J’ai débuté au club de Mâcon en Bourgogne à la société des Régates Mâconnaises, club pour lequel j’ai toujours été fidèle. Même si je n’ai plus de licence maintenant je reste assez proche du club. J’ai commencé l’aviron à 14 ans un peu par hasard par le biais d’amis de mes parents. J’ai tout de suite accroché à ce sport et rapidement j’ai intégré de bons bateaux. Nous avions une bonne équipe, c’était plaisant de progresser tous ensemble. Lors de mon entrée dans la catégorie junior (17/18 ans) j’avais vraiment des ambitions assez claires. Je voulais être performant en skiff (bateau solo). J’ai intégré l’équipe de France B en junior et ensuite l’équipe de France dans la catégorie -23 ans (espoir). Le rêve de l’olympisme est venu petit à petit et j’ai réussi à l’atteindre pour les jeux Olympiques d’Athènes en 2004. Au niveau sportif pour moi, ces jeux ne se sont pas déroulés de la meilleure manière, mais c’était le rêve d’une carrière.

Avant les Jeux Olympiques j’ai été champion du Monde dans la catégorie -23 ans avec un certain Adrien Hardy (Champion Olympique à Athènes en Double Toute Catégorie avec Sébastien Vieilledent) et médaillé mondial universitaire.

J’ai été sélectionné en équipe de France sénior pendant 10 ans.

Quel est ton parcours en tant qu’entraîneur ?

En tant qu’entraîneur des équipes de France j’ai débuté en 2008, j’étais alors responsable de l’équipe de France junior B. C’était une première expérience très intéressante et les jeunes français ont gagné la coupe ! Ensuite pendant 9 ans j’ai été entraîneur de l’équipe de France junior et j’ai eu le plaisir d’accompagner 2 équipages hommes vice champions du Monde et d’autres finalistes du groupe homme.  Après cette expérience au sein du groupe junior, je suis arrivé sur le collectif senior -23 ans, là aussi avec le plaisir d’avoir coaché des bateaux finalistes et un en particulier qui a obtenu une médaille d’argent mondiale en 2017.

En 2018 on m’a proposé d’entraîner dans le groupe élite. C’est Christine Gossé, alors responsable du groupe élite femme à cette époque-là, qui m’a appelé pour savoir si j’étais intéressé pour entraîner dans ce groupe élite. Par le passé je m’étais dit que si on me proposait ce poste, cela pouvait être compliqué par rapport à ma famille, à mes enfants qui étaient alors en bas âge.

Au moment où on m’a proposé ce type de poste en 2018, mes enfants avaient déjà bien grandi. On en a discuté en famille, je dis bien « on » car je n’ai pas décidé seul. Après réflexion, j’ai finalement accepté le poste. On a dit ok par rapport à l’organisation familiale autour du projet sportif en direction de Tokyo (projet qui a pris un an de plus à cause du COVID et le report des Jeux !).

Cette même question s’est posée après les Jeux Olympiques de Tokyo. Je m’étais dit quoi qu’il arrive que je ne prendrai pas de décisions à chaud. Je me laisserai un temps de réflexion avec la famille pour savoir si j’allais continuer ou pas, et également si la fédération me ferait à nouveau confiance.

Après les jeux de Tokyo, les filles m’ont demandé si j’avais envie de continuer avec elles. Bien sur l’envie immédiate de dire oui était là mais je me suis tenu à ma ligne de conduite : prendre le temps de la réflexion pendant l’été en famille. On s’est dit qu’on venait de faire quatre ans jusqu’à Tokyo et qu’il restait seulement trois ans jusqu’à Paris. Tout était aligné, j’ai dit OUI, et je suis reparti pour l’olympiade Paris 2024 ! Je suis donc entraîneur en équipe de France depuis quatorze ans.

Depuis 2018 tu es entraîneur référent du double poids léger féminin (vice-Champion Olympique à Tokyo en 2021), comment a débuté cette collaboration avec les filles ? Peux-tu nous parler de Claire Bové et Laura Tarantola ?

La collaboration entre Claire Bové et Laura Tarantola a débuté en 2017 avec mon prédécesseur. Je connaissais Claire, je l’ai entraîné en équipe de France junior. Elle avait un profil poids-légers. Quand elle est arrivée en senior, il y avait Laura qui se posait la question de rester dans la catégorie poids-léger ou de s’orienter en toute catégorie. Elle a vu arriver d’un bon œil Claire chez les seniors. Elles se sont rapidement rapprochées et cela a plutôt bien fonctionné dès le début en bateau. Aujourd’hui les filles rigolent en revoyant les images des premières sorties en bateau en double. Elles trouvaient cela pas mal alors qu’aujourd’hui elles prennent peur !

Jusqu’à leur association, les filles n’avaient pas décroché de médailles internationales. Il faut savoir que Claire et Laura ont quatre ans d’écart. De fil en aiguille, la collaboration a bien matchée. Elles avaient déjà réalisé une saison ensemble avant que j’arrive. J’ai pris le train en route avec quelques difficultés car Claire avait fait un burn-out, un gros surentraînement. Au moment où j’ai pris le poste, Claire ne ramait pas, elle ne pouvait même pas courir. Elle était vraiment épuisée. Cela a resserré les liens, soudé l’équipe.

Elles n’ont pas eu de médailles les trois premières années, hormis une belle et très motivante place de vice-championnes d’Europe à Lucerne en 2019. Au bout de la quatrième année, les médailles sont arrivées et ensuite, elles ont obtenu cette exceptionnelle médaille d’argent à Tokyo, vice-championnes Olympiques, un rêve qui s’est réalisé !

Les filles ont énormément progressé au fur et à mesure des années pour finalement décrocher une belle médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Tokyo. Comment as-tu vécu cette année 2021 (COVID) et peux-tu nous parler de cette finale olympique ?

Ce n’est pas tant l’année 2021, c’est plutôt à partir du premier confinement que c’était complexe. On ne savait pas trop à quelle sauce on allait être mangé, si les Jeux Olympiques allaient être annulés. On a réalisé un gros travail avec les filles et notre psychologue de la performance. Elle a essayé de donner du sens à cette « coupure ». Les filles avaient du matériel, des barres de musculation, des ergomètres. Je suivais les entraînements à distance du mieux possible, c’était un passage assez délicat. Quand on a appris que les jeux étaient reportés, sur le coup, ce n’était pas simple à vivre mais après, vu la situation mondiale on pouvait s’en douter. On s’est dit c’est super, c’est une opportunité pour nous que les jeux soient repoussés en 2021, car on pouvait voir que sur la saison 2020 les filles étaient bien placées, mais il restait toujours des petits détails à régler. Nous avons donc eu une année de plus pour travailler. Je ne sais pas et nous ne saurons jamais si en 2020 les filles auraient été médaillées à Tokyo.
La finale en 2021 était tellement serrée que si l’on faisait recourir la course une heure après, l’ordre d’arrivée aurait pu être totalement différent.

2021 a été sinon une bonne saison, mise à part que Laura s’est blessée pendant deux mois (février et mars). C’est-à-dire juste avant le début de la saison internationale….
Elle a été vraiment bien accompagnée par le staff médical pour se remettre sur pied. En attendant, Claire a concouru en skiff aux championnats d’Europe, elle a obtenu une belle médaille de bronze. Quand Laura est remontée en double avec Claire, c’était lors de la première coupe du Monde à Zagreb en Croatie. Les filles gagnent devant un adversaire bien connu dans la catégorie : La Biélorussie. Cela a donné une bonne dose de confiance aux filles. A ce moment précis, nous nous sommes dit que le travail commençait réellement à payer. Ensuite, il y a une la deuxième étape de coupe du Monde à Lucerne en Suisse (étape de coupe du monde la plus relevée de la saison). Les filles montent une nouvelle fois sur le podium. Petite déception tout de même, car les filles avaient le meilleur chrono après les séries et les demi-finales. Elles finissent troisième en finale, on a vu qu’il restait certaines choses à régler.

Après arrivent les Jeux Olympiques de Tokyo et on connait la suite ! (photo Claire et Laura)

Comment s’est passée la saison 2022 pour toi et pour les filles ?

2022 a été une année très spéciale. On avait convenu avec les filles qu’elles auraient un temps de pause apprès les jeux, une coupure nécessaire à tout point de vue pour en profiter, pour reposer le corps et la tête après les jeux. Je leur avais dit que c’était compliqué de savoir combien de temps cela pouvait durer. Finalement la durée a été un peu différente entre les filles mais la coupure leur a permis de faire plein de choses impossibles d’habitude, et surtout de savourer leur succès ! La reprise à 100% s’est effectuée d’un commun accord entre les filles et moi en janvier 2022.

En parallèle de cela, il y a eu l’arrivée de Jurgen Grobler (Entraîneur de l’équipe GBR le plus titré au monde) qui est devenu le conseiller exécutif haute performance pour l’équipe de France d’aviron. De nouveaux modes de fonctionnement et un programmes d’entraînement sont arrivés et il a fallu s’adapter. Cela demande un certain temps et Il a fallu aussi gérer la forme des filles. Sur la saison internationale, on a dû faire quelques adaptation et choix. Malgré tout cela, les filles sont médaillées sur toutes les étapes de coupe du Monde, ainsi que sur les championnats d’Europe.

Les championnats du Monde ont été plus compliqués à gérer. Le stage terminal à Bellecin a été long et épuisant. Elles ne sont pas arrivées dans les meilleures dispositions pour plusieurs raisons. Sur la demi-finale des championnats du Monde c’était déjà un peu dur, je le sentais. Sur la finale elles font quatrièmes, elles n’ont pas réussi à contrer l’attaque des irlandaises en fin de parcours pour aller chercher la troisième place. Les deux premières places étaient inaccessibles pour cette année. Les filles avaient déjà battu les Irlandaises sur les championnats d’Europe, on pouvait espérer que ça allait se reproduire sur les mondiaux, mais il manquait un petit quelque chose. Cette saison a été vraiment particulière en tout cas. Avec les nouveaux modes d’entraînements mis en place cette année, je suis convaincu qu’un temps d’adaptation est nécessaire pour le corps.

Ce nouveau statut parmi les favorites n’est pas non plus facile à assumer, il faut vivre avec « une cible dans le dos » car tu es un des bateaux que toutes les nations veulent battre, que ce soit pour les athlètes et même l’entraîneur.

Au début ce statut joue un rôle plutôt positif et lorsqu’il y a des périodes plus compliquées, ce n’est pas toujours facile à gérer.

Le double poids léger féminin termine donc quatrième sur les championnats du Monde 2022, ce n’est pas du tout un mauvais résultat, mais les attentes autour des filles sont toujours plus élevées depuis les Jeux Olympiques de Tokyo.

Il faut signaler quand même que 2022 est la meilleure saison (la plus complète) au niveau des performances sur la scène internationale.

L’équipe de France d’aviron utilise depuis un an Nolio. Comment est-ce que tu travaillais auparavant et qu’est-ce que la plateforme t’apporte ?

Auparavant nous avions un gros carnet d’entraînement à l’ancienne, un certain nombre de données enregistrées, un fonctionnement précurseur à Nolio. Nous avons fait de nombreuses mesures d’archivage de données dans de nombreux domaines. C’était plutôt artisanal on va dire, même si cela fonctionnait bien. On a eu en fin d’année 2021 l’arrivée de Nolio, cela me semblait assez énorme au premier abord et pas très évident. Tout est réuni au même endroit, il faut être capable de s’approprier l’outil. J’ai appris et j’apprends toujours. L’utilisation est pratique car on retrouve tout au même endroit, pour les athlètes toutes les séances sont poussées directement de la montre vers la plateforme. Cela simplifie pas mal de choses, tu peux rapidement voir les données qui t’intéressent, faire des analyses, des extractions, etc.

On gagne beaucoup de temps, même si Nolio reste un énorme outil qui faut savoir utiliser.
C’est un outil qui mérite d’être adapté sur certains petits points, mais ce qu’on aime vraiment aussi c’est la réactivité et le professionnalisme de l’équipe de Nolio. Dès qu’il y a une demande, elle est mise en place rapidement.

Désormais toute le monde s’en sert en équipe de France élite. Lorsque l’on est en stage on a un tas de monitoring à regarder tous les matins, la plateforme nous facilite les choses grâce à la centralisation des données.

Quelles sont les échéances importantes pour cette année 2023 pour le double poids léger féminin ?

Les grosses échéances sont les coupes du Monde, le championnat d’Europe et surtout les championnats du Monde qui seront qualificatifs pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Il faut finir absolument dans les sept premiers bateaux pour éviter ensuite l’ultime régate de qualification en 2024.

Un petit mot pour finir ?

NOLIO suit et s’adapte totalement à l’évolution des technologies et des exigences du haut niveau. C’est un nouveau partenaire qui accompagne et aide les athlètes et entraineurs dans leur quête Olympique.

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